17/05/15
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Lundi
11 mai 2015
Surtout
n'oublie pas que je t'aime
Le
ciel peut bien gronder et les flots s'entrouvrir
Jésus marcher sur l'eau et le Prophète l'applaudir
La mer peut déverser les damnés de la terre
La " civilisation " rejeter leur misère
Surtout
n'oublie pas que je t'aime
La
rue peut résonner de la clique à Barjot
Appeler au baptême aux saints rites hétéro
L'" Agité " peut sniffer une ligne de brise
marine
Quand moi je sens monter juste l'adrénaline
Surtout
n'oublie pas que je t'aime
De
Coltrane tu peux bien avoir été la muse
Tes yeux noirs tes cheveux ta peau brune tout t'accuse
Naïma ton prénom en rien te condamne
Alors pourquoi à " muse " ajouterais-je "
ulmane "
Surtout
n'oublie pas que je t'aime
La
Méditerranée nous sépare et pourtant
De ses rives si proches s'appellent nos enfants
Ni livre-qui-sait ni peur ou ignorance
Ne feront un brasier de notre différence
Surtout
n'oublie pas que je t'aime
Le
facho de Saint-Cloud et celui de Béziers
Peuvent tenir leur compta sordides Ténardiers
Les " détails " de l'histoire renaître
de leurs cendres
Les égoïsme tuer leurs canons sont à vendre
Naïma
n'oublie pas que je t'aime
Daniel
Flamant
Surtout
n'oublie pas que je t'aime

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Jeudi
20 novembre 2014
Agitato,
hétéro sapiens non-compatible
Le
nez sur son pupitre, les yeux rivés au discours commis
par un nègre manifestement pas encore entré
dans l'histoire, Agitato sent le syndrome de Parkinson le
gagner. L'abrogationite secoue une salle acquise à
l'homogénéisation du mariage hétéro.
Ses cris déchirants, venus du tréfonds de
la civilisation occidentale, apostolique et romaine, ébranleraient
les convictions les plus fermes. Même si les siennes
ne l'empêchent pas de dormir, malgré ses trépignements
légendaires, - " Ce n'est pas la rue qui dicte
l'action politique! " -, Agitato hésite.
Ses épaules, la gauche surtout, - indocile, la gauche
- commencent leur danse asymétrique, comme mues par
l'esprit de Michael Jackson. " Calme toi ô ma
douleur et tiens-toi plus tranquille. " Il lui faut
réfléchir, vite, surfer sur le courroux de
la foule, en faire l'alliée de sa résistible
ascension. Une révélation sémantique,
qui ne doit rien à son admiration de Madame de Lafayette,
alerte ses derniers neurones disponibles: réécrire
une loi ou l'abroger, c'est du pareil au même, et
ça coûte rien." Alors, pourquoi que j'vous
f'rais pas plaisir? ", harangue Agitato. Et les pochtrons
du pire des Cafés du Commerce d'éructer: "
Qu'elle retourne dans son île, la guenon! " Oui,
les réacs ne sont pas seulement racistes, ils ignorent
aussi la géographie et assimilent la Guyane à
un îlot des Antilles ou de Polynésie.
Serment d'ivrogne que cette promesse d'abrogation. Le Conseil
Constitutionnel ne suivra pas: il n'y aura pas deux types
de mariage homo: celui célébré sous
la loi Taubira et celui contracté (très contracté,
même) ensuite sous une loi Buisson, Barjot et consorts
de la marine. Mais que ne ferait pas Agitato pour mendier
quelques voix dans le marigot, river son clou à Maxiton
et faire la pige au gars Bruno.
Car enfin, deux femmes s'aiment, deux hommes s'aiment, une
femme et un homme s'aiment; ils décident de se marier
dans le cadre prévu par la loi; ça dérange
qui? Quel homme se sent obligé d'épouser un
autre homme, quelle femme une autre femme, quel homme une
femme? Eh bien, dans les têtes bornées qui
ont l'oreille d'Agitato, il y a danger. Une peur obsessionnelle
de dégénérescence de l'espèce
les habite. Une pandémie homosexuelle insidieuse,
en germe dans le mariage homo, nous guetterait, les enfants
adoptés par deux hommes ou par deux femmes ne pouvant
qu'épouser cette voie dissolue. Et de plaindre ces
pauvres enfants, ignorant en chemin tous ceux qui, chaque
jour, subissent les coups de leurs parents - foyers hétéro
pur sucre - voire en meurent.
Quelques décennies se sont écoulées
et heureusement, sur ces questions, l'intelligence a progressé.
Mais la réaction, elle, ne connaît pas de limite:
faut-il qu'un nouveau matin brun exhibe le triangle rose
de la honte? Est-ce cela le rôle d'un homme d'État?
Jouer ainsi avec le feu et attiser le pouvoir de nuisance
d'une foule réac en délire? Ouvrir les vannes
de la bêtise et de la violence idéologique?
Tiens, tiens, notre Agitato, derrière son pupitre,
soi-disant homme d'État, tellement influençable,
cité dans pas moins de onze affaires, prenant à
la hussarde un parti qu'il a mis en faillite, chercherait
donc à reconquérir le pouvoir... On n'y croit
pas! Mais si, pauvre Marianne, pauvres institutions agonisantes
de la cinquième du nom. Pauvre homo politicus.
DF
Agitato,
hétéro sapiens non-compatible
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Dimanche
16 novembre 2014
Monsieur
le Président,
Si
j'en avais le temps, je ferais une lettre. Que vous liriez
peut-être...
A en croire les enquêtes d'opinion, votre politique
déçoit 87% de nos concitoyens. J'en suis.
Dans cette immense majorité de mécontents,
toutes les idées ne se ressemblent pas. Nous sommes
d'accord. Aussi, vais-je donc me contenter d'exprimer celles
qu'un grand nombre partage. Je ne m'arrêterai pas
à des critiques que vous connaissez, elles ne vous
apporteraient rien.
En revanche, je vais vous faire une proposition susceptible
de sauver la deuxième partie de votre quinquennat.
D'inverser la courbe de votre impopularité. Pas plus,
pas moins. Une proposition sur laquelle vos partenaires
habituels, agences de notation, lobbies de tout poil, chancelière
allemande, Commission Européenne, BCE, etc, n'auront
pas à renâcler. Bref, une proposition qui n'aggravera
en rien les finances nationales. Ouf ! Avant de l'énoncer,
permettez-moi de ménager un petit suspens. Question
de coquetterie personnelle.
87% de mécontents. Dites donc, vous faites très
fort ! En ce qui nous concerne - je dis " nous "
en pensant à des millions d'amis - nous avons de
l'énergie à revendre, et non polluante. Nous
sommes sur tous les fronts (sauf le " Nazional ")
: social, politique, éducation, économie solidaire,
culture, énergies renouvelables, préservation
de la nature et de la planète, soutien aux peuples
opprimés... Une société civile dans
tous ses états ! Nous sommes partout, jeunes et moins
jeunes.
Au premier rang parfois, pour prendre une grenade et en
mourir, comme Rémi.
En
mai 2012, au deuxième tour des élections présidentielles
- vous vous souvenez ? - nous n'étions pas à
une illusion près, et nous vous avons suivi. En traînant
un peu les pieds, c'est vrai.
L'expérience... Que voulez-vous, on ne se refait
pas, certains mots conservent le pouvoir récurrent
de nous faire vibrer. " Le changement, c'est maintenant
", " Mon ennemie, c'est la finance ", "
Moi, Président... ". Comme cela a dû être
dur pour vous de tenir un tel langage contre nature.
Pardonnez-moi de vous rappeler ces mauvais moments. Ne parlons
ni du changement, j'ai beau chercher je n'en trouve pas
d'exemple - à moins que de promouvoir au poste de
premier ministre un candidat aux primaires qui fait 5% en
soit un, ce qui m'a complètement échappé
- ni de vos
indécisions et contre-décisions, ni des pitres
dont vous vous entourez.
Prenons seulement la finance. Que pensez-vous de la séparation
des activités bancaires ? Une montagne qui accouche
d'une souris, pas vrai ? Un enfumage qui, in extremis, a
pu jouer en faveur de notre ex-ministre des finances et
lui valoir ce poste de commissaire si chèrement gagné
?
L'inversion de la courbe du chômage, oublions; la
grand réforme fiscale, itou; la taxe carbone, n'en
parlons plus. Alors, que reste-t-il de nos amours, monsieur
le Président ? Un ultime rabibochage est-il possible
? La réponse est oui. Comment ? Eh bien, je vais
vous le dire, monsieur le président.
Une grande réforme institutionnelle, voilà
ce que vous pourriez faire avant de partir.
Un(e) président(e) issu(e) de la société
civile, une personnalité choisi(e) pour son intelligence
et sa sagesse, et qui aurait un rôle d'arbitre, de
régulateur, la conduite des affaires du pays revenant
au gouvernement et à son chef, responsables devant
la représentation nationale. Le mode électif
pourrait revenir au peuple, puisque les partis ne soutiendraient
pas un candidat sortant de leurs rangs. Avec ce changement,
vous couperiez l'herbe sous le pied de ceux qui piaffent
d'impatience et minent la vie politique. Vous éviteriez
le pire à la République, suivez mon regard,
la nomination du
chef du gouvernement ne présentant pas le même
risque.
Une profonde transformation de la représentation
nationale et territoriale qui reposerait sur le principe
de l'honneur d'être missionné par ses concitoyens
pour les représenter, et qui exclurait de fait la
professionnalisation de la vie politique, à bout
de souffle, et dont le pays ne veut plus ; avec deux garde-fou
indispensables: un stricte non cumul des mandats et la limitation
de leur
renouvellement dans la durée (deux fois maximum).
Bref, une mission citoyenne ouverte, non réservée
à une caste. Avec, évidemment, effet rétroactif
aux élections législatives de 2017: un député
ayant déjà effectué deux mandats ne
pourrait se représenter. Ah là, vous allez
vous faire des
amis, il ne va pas être content Barto.
Un développement d'instances de démocratie
participative animées par des représentants
de la société civile - sur le modèle
des conseils économiques, sociaux et environnementaux
- renouvelées du point de vue de leur rôle
et de leur mode de recrutement, et démultipliées
sur le territoire.
Une suppression du Sénat dans cette nouvelle configuration
démocratique paraîtrait plus que souhaitable,
sinon il demeurerait le symbole d'un passé révolu.
Vous seriez le dernier président de la cinquième.
C'est vous qui changeriez la donne. Ça aurai
Ça
aurait de la gueule, non ? Sans compter que cela vous éviterait
l'amertume de ne pas être réélu. J'en
connais un qui ne s'en remet pas... Et puis, imaginez vous
dans quelques années, le soir au coin du feu,
entouré de vos petits enfants " Dis papy, c'est
quoi ton meilleur souvenir de président de la République
? " " C'est d'avoir renouveler la démocratie
de mon pays. " " Waou ! Trop fort papy ! "
" Bon, vous avez encore des devoirs, allez les terminer,
moi je dois travailler. Le comité économique
local réfléchit à un projet de propriété
sociale d'une ferme voltaïque. Je dois faire ma part.
" " Et nous, c'est quoi notre part ? " "
Vous, pour le moment, c'est d'apprendre à devenir
citoyens. "
Moi aussi, monsieur le président, je fais ma part
en vous adressant cette proposition. Pensez-y, ça
ne réglera pas tout, mais nous nous sentirons mieux.
Mieux armés pour d'autres changements.
Dan
Monsieur
le Président
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Samedi
1er novembre 2014
Gilles,
dis-moi que je rêve !
Après t'être fait pincer, je t'en conjure,
pince-moi, que je sorte du néant où me plonge
cette nouvelle qui vient troubler un repos dominical déjà
plombé par la fermeture des grands magasins.
Ainsi, tu n'aurais pas osé appliquer à ta
propre situation fiscale ce fameux amendement dont tu es
l'auteur - quelle délicatesse ! - et tu aurais échappé
depuis plusieurs années à l'ISF ? Toi, dont
le nom, attaché à tant de brillants rapports,
était appelé à passer dans le langage
commun ? Si, si, les académiciens s'apprêtaient
à t'accueillir à la lettre " c "
: " Carrez, nom commun, masculin, désigne un
rapport modèle. "
Hélas, ton nom deviendra commun pour d'autres raisons.
Que n'as-tu tiré profit de la mésaventure
survenue à un exprésident de la commission
des finances, ex-ministre du budget ! Bien que s'évertuant
à couper les cheveux en quatre à propos de
nos dépenses, il avait présidé - t'en
souvient-il ? -à l'évasion de quelques uns
de ses millions d'origine capillaire, soustraits ainsi à
l'impôt, poste budgétaire dont il était
néanmoins le garant.
Dis-moi que je rêve, Gilles, toi le pourfendeur des
déficits. J'y suis allé de ma larme en parcourant
tes émouvants rapports : cette dette qui colle à
nos basques, particulièrement ; nos pauvres enfants
écrasés sous son poids. Insoutenable.
Pourtant, cette dette, tu l'as reconnu toi-même, est
causée en grande partie par des créances non
recouvrées, des revenus qui échappent à
l'impôt républicain. Le rapport Bocquet, l'enquête
d'Antoine Peillon, évoquent un taux d'évaporation
de quelque soixante milliards d'euros chaque année.
Je comprends, tu t'es dit " Ma petite ISF ne connaît
pas la crise, son paiement ne changera pas grand chose,
autant l'oublier. " Bien sûr, c'est humain, mais,
Gilles, tu n'es pas sans savoir que tes collègues,
ceux de la majorité actuelle, quelques frondeurs
exceptés, et ceux de l'ancienne ou de la prochaine
(ils y croient), misent tout sur l'épouvantail de
la dette pour concocter leurs remèdes. On grignote
les prestations sociales, on envisage de mettre fin aux
privilèges exorbitants dont jouissent les chômeurs,
le contrat de travail est dans leur ligne de mire...
J'espère que le syndrome de dissimulation n'est pas
contagieux, qu'il n'atteint pas ceux qui, à un titre
ou à un autre, approchent les délicates questions
de la comptabilité publique. Cahusac hier, toi maintenant,
Gilles, et alors, demain, faut-il s'attendre à un
écart du président de la Cour des Comptes
? Je vois déjà le titre de ma chronique "
Ah, grand nigaud qu't'es bête ! " Le pire, Gilles,
est que ton image risque d'en souffrir... La volaille qui
fait l'opinion pourrait bien t'assimiler à d'autres
fraudeurs, le couple infernal du neuf-deux, par exemple.
Quelle déchéance ! Toi, promis aux plus grandes
destinées... Tu paieras, as-tu dit, sans perdre ton
aplomb. Mais cela suffira-t-il à calmer l'ire de
celles et ceux qui, conscients de la nécessaire solidarité
nationale, le payent, eux, leur impôt ? Et comment
continuer à les représenter de façon
crédible ? Tu vois, Gilles, ce que chacun attend,
là aussi, c'est une nouvelle donne.
Daniel
Flamant
Gilles,
dis moi que je rêve
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Jeudi
8 mars 2012
Le
syndrome du confessionnal
Je vais parodier quelqu'un que j'aime bien: Raymond Queneau.
Vous savez, dans son recueil poétique «L'instant
fatal», un de ses textes débute ainsi: «Bon
dieu de bon dieu, que j'ai envie d'écrire un petit
poème, Tiens en voilà justement un qui passe,
etc.».
Après les mea culpa de Sarko, devant quelques millions
de téléspectateurs hier soir sur la 2, bon
dieu de bon dieu, que j'ai envie d'écrire un petit
article ! Qu'à cela ne tienne, en voilà justement
un qui passe...
Cette fois, je ne ressens même pas le besoin de me
situer dans la dérision, ce serait redondant et donc
pas très heureux pour quelqu'un qui se pique de journalisme.
Non, franchement, chacun mesure-t-il bien l'énormité
de la chose?
Tout ce que nous pensons depuis cinq ans, je dis
« nous », car nous appartenons je crois à
une même communauté de pensée
toutes nos analyses, nos critiques, viennent d'être
validées dans le grand confessionnal médiatique
par celui qui en a fait l'objet.
Autrement
dit, des réserves du philosophe Michel Onfray quant
à la solidité mentale du candidat d'il y a
cinq ans, jusqu'à sa confession publique d'aujourd'hui,
en passant par de nombreuses chroniques françaises
et étrangères mettant en cause ses failles,
ses incohérences
comportementales, rien n'aurait donc été caricatural.
Ses attitudes caractérielles - «casse-toi pauv
con», dont je rappelle quand même qu'elles ont
valu à un manifestant égaré, brandissant
une telle pancarte, une condamnation pour injure - son mépris
du peuple le Fouquet's, le yacht Boloré, le
bouclier fiscal son népotisme
primaire l'EPAD pour son fiston même pas capacitaire
en droit ! - bref, toutes ces erreurs, reconnues comme telles
par son auteur, grâce au blanchiment de la contrition,
pourraient, devraient, lui valoir un nouveau passeport ?
Et
une partie de la presse et des commentateurs de se tortiller,
entre l'envie de pouffer de rire -ne vous gênez pas
les gars ! - et l'authenticité touchante dont ce
chef qui reconnaît publiquement son inaptitude
à la fonction ferait preuve !
Il s'agit, personne n'est dupe, de la dernière manoeuvre,
du dernier coup de dés, avant que les jeux ne soient
enfin faits. Pour qui ce poker menteur est-il risqué
? Pour lui-même ? On s'en moque un peu, non ? Alors,
pour la démocratie, oui certainement, et les médias
auraient tort
de jouer les apprentis sorciers en ne qualifiant pas cette
attitude pour ce qu'elle est : une imposture.
Car enfin, de qui parle-t-on ? Du président de la
République française, du chef de l'État.
De quoi parle-t-on ? De la capacité à diriger
un pays, à rassembler ses citoyens, sans sectarisme,
sans volonté perverse de les opposer les uns aux
autres ainsi que ce président le fait depuis cinq
ans.
La
France n'a pas besoin d'un sale gosse à sa tête,
fût-il capable de reconnaître ses bêtises.
Notre pays n'est pas une cour d'école, fût-elle
confessionnelle.
Quand on a autant failli, on en tire les conséquences.
Qu'il parte ! Ne serait-ce que pour éviter la débandade
à son propre camp. Touché par la culpabilité
annonciatrice - qui sait ? -d'une grâce prochaine,
qu'il saisisse cette occasion divine de tirer sa révérence.
On ne lui en
voudra pas !
Enfin, cet épisode surréaliste de la vie politique
devrait nous faire méditer sur notre mode de désignation
du chef de l'État : il nourrit l'illusion démocratique
et il induit, hélas, un type d'exercice du pouvoir
plein de risques. Pour la démocratie, justement.
Daniel
Flamant
* Dernière minute, enfin une bonne nouvelle : s'il
n'est pas réélu, le candidat-président
quittera la politique ! Voilà qui confirme ses doutes
sur l'issue de ce scrutin et qui devrait rendre le second
tour beaucoup plus ouvert pour la deuxième place.
Bonjour l'angoisse à droite !
Le
syndrome du confessionnal
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VENDREDI
10 FEVRIER 8H 37 SUR FRANCE INTER
«Ferme ta gueule Luc Ferry, ferme ta gueule!»
Permettez-moi, cher François Morel, d'emprunter ici
la formule désormais célèbre que vous
réservez aux messagers de l'imbécillité.
«Ne viens plus, Luc Ferry, troubler mon petit déjeuner
avec ta science sans conscience qui n'est que ruine de l'âme!
Ne viens plus, Luc Ferry, défendre sur ma station
préférée du matin, les propos du chef
de l'Agence de Notation Sarko's § Poors installée
au Ministère de l'Intérieur! Ne viens plus,
Luc Ferry, cautionner sa sombre besogne de dégradation
des valeurs de l'éducation et de la culture!».
Le créateur de cette agence avait déjà
défrayé la chronique en livrant aux poubelles
de la littérature le livre de Madame de Lafayette,
«La princesse de Clèves». Peu après,
il avait intelligemment et courageusement baissé
la note du maître et augmenté celle du curé,
dans un discours qui fera date, prononcé devant un
aréopage impressionné de la sainte église
apostolique et romaine. Je dois néanmoins à
la vérité de dire, que cette vertueuse institution
ne semblait pas encore, à l'époque, informée
des méthodes pédagogiques peu catholiques
utilisées par ses membres à l'encontre de
nos chères têtes blondes...
Il y a quelques jours, le grand ponte de la dégradation
a récidivé en faisant monter au créneau
son éminence grise, par ailleurs chef de la police,
pour abaisser la note de toute civilisation autre qu'occidentale.
Avec le succès que l'on sait dans les départements
d'Outre mer.
France Inter, voulant ainsi marquer sa différence,
a fait appel à un philosophe officiel, ayant, qui
plus est, tâté du maroquin, enfin du porte-feuille,
de l'Éducation Nationale. Avis autorisé incontestable
en perspective.
Cré-moi, cré-moi pas, diraient mes amis Canadiens,
mais je suis tombé littéralement de mon tabouret
en entendant cette sommité proférer des propos
dignes, ou plutôt indignes, des conversations du plus
arriéré des cafés du commerce de la
France la plus profonde.
Voici l'exemple cité trois ou quatre fois au cours
de ses dix minutes d'interview par Luc Ferry afin d'étayer
son tableau comparatif des civilisations : «le
Don Giovanni de Mozart, c'est quand même mieux que
le tambourin Nhambiquara».
On n'est pas bien là, au comptoir, on discute tranquillement,
alors pourquoi ne pas en rajouter : «Dis Albert, le
Guernica de Picasso, c'est quand même mieux que les
peintures rupestres de l'art préhistorique, tu crois
pas »?
Je suggère à Luc Ferry, puisqu'il en a maintenant
le loisir, de retourner à ses chères études
et de lire ou relire les écrits sur l'art d'un grand
ministre de la culture, André Malraux. Si, si, même
dans un gouvernement de droite, on trouve des ministres
intelligents, ouverts et cultivés.
«Pardonne-moi Luc Ferry, pardonne-moi, nous allons
quitter le café du commerce et donner la parole à
André Malraux».
Lors d'un entretien accordé à l'historien,
journaliste et critique d'art André Parinaud, il
lui fait part de sa conviction, qu'à l'aube du vingt
et unième siècle, «une nouvelle notion
de l'art est née, qui nous a apporté l'héritage
artistique du monde». Il en donne quelques exemples
: « (
) La familiarité avec l'art
indien, ou nègre, ou océanien, nous enseigne
que leurs uvres capitales sont aussi particulières
que les nôtres. (
) Depuis trente ans, la grande
sculpture de l'Asie entre chaque jour davantage dans notre
culture artistique. (
) L'art est essentiellement l'une
des défenses fondamentales de l'homme contre le destin.
C'est de cela, me semble-t-il, que notre époque est
en train de prendre conscience; unissant en elle, pour la
première fois, la présence de son art à
la présence complexe de tous les arts du passé.
(
) Et peut-être s'agit-il d'un signe obscurément
précurseur d'un humanisme universel ».
C'est beau, c'est émouvant l'intelligence, non ?
«Entre
ici, Luc Ferry, dans ce beau musée des Arts Premiers,
témoin du long chemin de la civilisation où
l'humanité se trouve engagée depuis si longtemps
et mesure celui qui te reste à parcourir dans le
silence qui sied à l'avènement de la raison».
Daniel Flamant.
Ferme
ta gueule Luc Ferry
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Fondation
Frantz Fanon
Wikipédia
Une seule civilisation humaine
Mireille
Fanon-Mendès France
La polémique autour des propos de Claude Guéant,
ministre de l'intérieur, sur la hiérarchie
des civilisations est l'expression de la grave crise morale
traversée par la classe politique française.
Face à une déclaration scandaleuse, il ne
s'est trouvé qu'un seul député pour
crier son indignation. Serge Letchimy, député
de la Martinique, est cloué au pilori parce qu'il
aurait évoqué les camps de concentration,
lieu ultime de la barbarie, en tant que conséquence
tragique d'une idéologie européenne. Pourtant
qu'y a-t-il de choquant dans la déclaration du
député ? Le fait qu'il ait osé évoquer
le génocide des juifs d'Europe perpétré
par des Européens pour illustrer la continuité
et la prégnance d'une certaine idéologie
occidentale ? Ou qu'il ait accusé le ministre de
l'intérieur de racolage des voix d'extrême-droite
?
Au-delà des contorsions rhétoriques et des
manuvres électoralistes, ce que révèle
la polémique autour des déclarations du
ministre de l'Intérieur est la nature réelle
d'une élite de pouvoir qui n'hésite plus
à exprimer un discours de haine dont la cible prioritaire
est l'Islam et les musulmans. Face à une crise
qu'elle est bien incapable de juguler et au creusement,
sans précédent, des inégalités
dont elle est responsable, une partie non négligeable
de la droite française revient vers ses tropismes
racistes fondateurs. Le calcul électoraliste, froid,
qui consiste à tout faire pour capter un électorat
sensibilisé par des années de matraquage
médiatique au discours de peur et de haine du populisme
démagogique n'est pas la seule explication. Les
élites politiques françaises, et la droite
n'est pas seule en cause -tant est engagée la responsabilité
du Parti Socialiste-, n'ont jamais reconnu l'héritage
raciste et colonial de la République. Et qu'on
ne vienne pas parler de repentance ou d'auto-flagellation
! Il s'agit du courage de regarder l'histoire en face,
sans faux-fuyants ni mystification politicienne. Le déni
et l'occultation expliquent pour une large part la renaissance
du discours essentialiste et les tentatives de réécriture
d'une histoire mythifiée. Les soubassements de
l'idéologie raciste et suprématiste, dont
le nazisme a été une évolution naturelle,
sont intacts.
C'est sur ces bases que se construit méthodiquement
le discours de l'islamophobie. La stigmatisation de l'Islam
et des musulmans derrière des proclamations lénifiantes
est assumée au nom de la lutte contre les intégrismes
et une instrumentalisation de la laïcité comme
moyen d'exclusion. Personne n'est dupe et tous lisent
clairement les intentions de dirigeants politiques dont
le cynisme n'a d'égal que l'irresponsabilité.
De dérapages calculés en petites phrases
lourdes de sens, le ministre de l'Intérieur, avec
d'autres figures de ce courant, assume la dérive
du sarkozysme -déclinaison locale du néo-conservatisme
américain- vers les régions les plus sinistres
d'une idéologie à l'exact opposé
des valeurs universelles proclamées par la République.
En réactualisant l'inepte théorie de la
guerre des civilisations, ce ministre réinjecte
effectivement dans le débat politique des notions
en vigueur au cours des heures les plus sombres de l'histoire
de France.
Devant ces attaques frontales contre les plus hautes valeurs
de l'universalisme et contre l'esprit de ce que fut la
résistance française, l'heure n'est plus
aux atermoiements ni à la réprobation silencieuse.
La mobilisation résolue contre le racisme et toutes
ses déclinaisons est plus que jamais la priorité
pour tous ceux qui veulent une France en paix avec elle-même
et dans laquelle l'ensemble des citoyens, athées
ou de toutes confessions, peuvent se reconnaitre dans
le respect, l'égalité, et le droit. L'Islam
et les musulmans autant que les autres. Les esprits retors
au service du racolage politique le plus éhonté
peuvent vociférer et occuper le champ médiatique,
ils ne parviendront pas à modifier le cours de
l'histoire. Il n'y a pas de civilisation supérieure
ou de civilisation inférieure, il n'y a qu'une
seule civilisation, c'est celle de l'humanité toute
entière.
Mireille
Fanon-Mendès France
Une
seule civilisation humaine
|
Lundi
30 janvier 2012
FLAMINGO
CHRONIQUES DU GRAND SOIR

Illustration empruntée à Gus BOFA
allusives,
subversives, abusives, subjectives, dérisoires, illusoires...
épicées d'une pincée de poésie
dans ce monde de brutes
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Lundi
30 janvier 2012
Dis papa, c'est quoi la dérision?
J'étais
heureux et fier que Marianne Marianne, c'est ma fille
me pose cette question. Pensez donc: des experts,
parmi les plus hautes sommités de la sociologie médiatisée,
s'y intéressent.
La dérision, c'est comme un placebo, un remède
illusoire, tu vois?
Non, je ne vois rien. Qui serait malade?
La société, chère Marianne. Oui, une
pathologie sociale.
Et c'est grave, docteur? De quels symptômes serions-nous
le jouet?
L'ambivalence est ce qui dépeint le mieux cette pathologie
: on la redoute, on la refuse, pourtant on s'y complaît.
Mais enfin, les causes de cette mélancolie pandémique?
Disons que, soumis depuis des années à l'instabilité
conceptuelle, à l'opportunisme sémantique,
aux décisions hâtives, aux revirements perturbateurs,
bref au harcèlement réformateur culpabilisant,
le corps social déprime.
Ah oui! Cela me rappelle ce nouveau médecin, qui
arrive dans une petite ville de province et qui persuade
les habitants qu'ils ne vont pas bien, afin de les inquiéter
et d'en faire ses patients !
Je vois que tu as de bonnes lectures... Commences-tu à
comprendre ce que j'entends par «remède illusoire»?
Mais oui, bien sûr! La dérision, nouvel opium
du peuple!
Si tu veux... Une souffrance existentielle travestie en
humour noir, se délectant des profondeurs de l'absurde
et de l'irrationnel. Un ricanement latent, aussi douloureux
que salvateur. A l'ère de la bêtise, une petite
musique dérisoire mais nécessaire.
Une respiration nécessaire, quoi, comme lorsqu'on
sort à toutes jambes, au bord de l'étouffement,
d'un couloir du métro imprégné d'effluves
de «Barbouze de chez Fior».
Finalement, je vais peut-être devoir m'intéresser
de plus près à tes lectures...
Tiens, si tu me lisais «Pourquoi j'ai mangé
mon père» au lieu de t'inquiéter abusivement?
Oui, Roy Lewis... Une certaine actualité de la préhistoire.
«Je remonte sur mon arbre, cette fois tu as passé
les bornes, Édouard, et rappelle-toi, le brontosaure
aussi avait passé les bornes, où est-il à
présent?».
Mais non, je crois que je préfère te lire
quelques lettres d'une jeune Persane en visite chez nous.
Elle pourrait elle aussi se prénommer Marianne.
Dis
papa, c'est quoi la dérision?
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Mercredi
22 septembre 2010
Lettre d'une jeune Persane (1)
Vénéré père,
Je te laisse imaginer quelle ne fut pas ma stupéfaction
de constater, dès le premier contact de mes babouches
avec la terre des Lumières, l'immense désordre
de la pensée qui règne ici.
Les sujets que je croise semblent sous l'emprise d'un harcèlement
moral dont je mesure à chaque moment les effets délétères.
Le monarque de ce grand pays, où tu m'as si judicieusement
envoyée afin de parfaire ma connaissance des arcanes
démocratiques de l'Occident, use d'un mode de gouvernance
tout à fait original et
pour le moins étonnant. Tu m'avais instruite de sa
grande érudition, mais je ne pouvais concevoir qu'elle
pût porter aussi loin son sens de la rupture.
Agitato 1er - puisque de lui il s'agit - grâce à
sa fréquentation des grandes oeuvres littéraires,
a sublimé celle d'Alfred Jarry jusqu'à s'identifier
à Ubu, personnage fétiche de l'écrivain.
Cette fusion lui a
permis de diagnostiquer le mal dont souffrent ses sujets
: un penchant fatal à couper les cheveux en quatre,
bref à recourir de manière intempestive à
la raison.
«En raison de cette suprématie de la jugeotte,
mes sujets se posent trop de questions». Ainsi s'exprime
son mentor, le père Ubu devenu roi. Et d'ajouter
: «A moi de leur montrer qu'elles deviennent inutiles
quand on a un bon guide». Ce mot «guide»,
Agitato 1er le pare du lustre de la nouveauté
quel talent, père! - en le traduisant par «Duce»,
tant il aime à flatter son camarade transalpin de
promotion royale, Téléramollo 2ème.
La méthode en cours ici porte le nom énigmatique
de «com». Néanmoins, tu vas comprendre,
vénéré père, à quel point
son maniement est simple. En voici l'exemple le plus récent.
Tu sais, le chef de la police, celui qui avait réglé
leur compte aux Bougnats du royaume en raison des traces
indélébiles de charbon caractérisant
leur faciès, et bien, fidèle parmi les fidèles,
il est monté au créneau comme on dit
ici pendant tout l'été, pour que son
monarque profite pleinement de congés bien mérités
tout en maintenant la pression de la «com»,
sinon ses effets risquaient de s'étioler. Là,
vénéré père, on frôle
le génie tant la «com», bien utilisée,
apparaît comme un instrument à multiple détente.
D'abord, occuper l'espace de cerveau disponible des sujets
du royaume, leur faire oublier leurs petits tracas, chômage,
retraites, grippe A, prochain jour du terme, etc., en choisissant
une question qui fasse vraiment peur. Capitaine Flamme
c'est le surnom du chef de la police; ces Français,
même dans l'adversité, ils gardent un humour!
- s'en est pris vigoureusement à ceux qui ont la
bougeotte. Chez nous, on les appelle «nomades».
Ici, ils semblent laisser une trace terrible dans les mémoires.
Du hurlement bestial d'un Manitas de Plata à la barbarie
d'un Django Reinhardt n'hésitant pas à se
couper les doigts pour jouer diaboliquement de la guitare,
la conscience collective demeure durablement traumatisée.
Pendant ce temps où les sujets attendent l'éradication
de leurs chimères et là, vénéré
père, tu vas voir comme c'est fort les fins
limiers de «la Secrète» du monarque infiltrent
discrètement la presse
politique apparemment, il y en a une ici afin
de confondre les odieux dénonciateurs qui organisent
des fuites portant atteinte à l'intégrité
et aux intérêts d'honnêtes citoyens sédentaires
des beaux Cartier.
Je dois te dire, vénéré père,
que de telles pratiques ébranlent mes convictions
modérées. Et si nos ayatollahs avaient raison?
Dans le doute, je te supplie de mettre à l'abri de
regards toujours à l'affût de la moindre innovation
démocratique cette première lettre, ainsi
que celles que je t'adresserai chaque jour, car j'ai le
sentiment que mes
surprises ne font que commencer.
Daniel
Flamant
Lettre
d'une jeune Persane (1)
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Lundi
31 octobre 2011
Lettre
d'une jeune Persane (2)
Vénéré
père,
Je
ne résiste pas à l'envie de te raconter une
fable qui, ici, sous le manteau, se taille un joli succès.
Imagine un personnage de fiction qui échapperait
à la vigilance de son auteur et qui, même,
sortant du cadre feutré de lobjet littéraire,
soffrirait une petite virée du côté
de la vulgarité des choses humaines. Tiens, par exemple,
et complètement au hasard, le père Ubu devenu
roi. Un roi Ubu sous l'influence louisdefunèsienne
de son ami intime, lhyperactif saltimbanque persécuté
par le FLNC, Christo Clavieri.
Le roi Ubu, conscient des difficultés de ses sujets
et soucieux de les atténuer, décide dutiliser
une technique de communication - on peut même parler
ici dune thérapie - quil affectionne
particulièrement : le harcèlement moral,
dont leffet anesthésiant est garanti.
Pour les échantillons représentatifs de la
nouvelle intelligentsia décomplexée, notamment
Mox Galla, portant beau sous la Coupole dans sa veste verte
réversible, le grave Dédé la Chance,
frange à la Stone, hier adepte du Petit Livre Rouge,
dautres encore, sénescents déclinologues
et experts à la manque (Alain de son prénom),
affublés de parachutes dorés et assistés
de valets du Fouquet's, plumitifs et plagiaires de tous
poils se ralliant à la liquette blanche de BHL, pour
tous ces modernes diafoirus, donc, un seul mot suffit en
effet à définir les maux dont souffre le royaume
dUbu: la raison.
«En raison de cette suprématie de la jugeote,
mes sujets se posent trop de questions», conclut Ubu.
«A moi de leur montrer quelles deviennent inutiles
quand on a un bon guide» (il pense «duce»),
car même en pensée il aime à flatter
son camarade transalpin de promotion royale Téléramollo
1er, depuis victime, hélas, d'un taux de séduction
trop élevé qui l'a obligé à
un appareillage, certes efficace, mais de plus en plus difficile
à supporter dans son entourage.
Après une première phase de pilonnage démagogique
dont il a le secret, apanage de la fréquentation
dun père spirituel, Charly Pasqualy, lui-même
fana - aujourdhui fada- des films de Fernandel, Ubu
ne vient-il pas dannoncer son grand dessein? Chambouler,
déconstruire, reconstruire, métamorphoser,
travestir, investir le beau ! Après avoir assuré
le marketing de «La princesse de Clèves»,
ce qui, entre nous, a eu plus d'incidence sur le PIB que
la promotion du «Rafale», ne v'la t'y pas qu'i
s'propulse à la tête d'un énième
«zinzin», mais attention cette fois, dans son
domaine de prédilection : présider aux destinées
de la culture.
Seule à réagir, sans voix, à cette
entreprise titanesque, une grande dame de théâtre
proche du soleil, se permet de tirer quelques cartouches.
Elle argue du fait que, malgré les indéniables
et incommensurables dons et qualités de notre omnimonarque,
il lui manque sans doute, simplement, les compétences
lautorisant à simmiscer dans des millénaires
de pensée, dengagement et daccomplissement
humains.
Alors là, je ne vous dis pas la colère de
la divine Alba, qui venait justement de trouver un maroquin
de la culture dans une pochette surprise. Mais, rare favorite
alphabétisée à la cour, à la
gouaille inimitable qui fleure si bon les beaux Cartier,
elle coupe derechef le fil dAriane ainsi tendu par
la dame du soleil entre culture et lucidité. On ne
va quand même pas instruire un procès d'intention
à un monarque qui, en plus de ses multiples charges,
se sent obligé de nommer les responsables de la radio
et de la télévision ?
S'il est vrai que le ridicule ne tue plus, il semble néanmoins
permis, au soir de cette nouvelle prise d'otage de l'intelligence,
de poser une question, sans esprit subversif bien entendu
:
« Quand les sujets, embarqués dans cette
périlleuse aventure de démolition de la raison,
certes pour leur bien, sassembleront-ils sur le devant
de la scène et feront-ils entendre leur voix ?»
Dabord déconcertés par la clarté
oubliée de sa sonorité, puis de plus en plus
audacieux à mesure quils en constateront les
effets retrouvés, je gage qu'ils n'auront plus qu'une
idée : sortir de cette mauvaise farce...
Je
te câble tout de suite une chronique du «Grand
Soir», seul journal pas encore sous la coupe des marchands
de canon, dit-on ici. Évidemment, cette chronique
risque de t'inquiéter, mais tu m'as souvent dit que
la politique de l'autruche n'était pas bonne conseillère...
Lettre
d'une jeune Persane (2)
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Lundi
21 février 2011
Vies
parallèles
Dans
le murmure vibrant de la révolution tunisienne
En route déjà vers d'autres frontières,
Je pensais à vous, amis Bulgares rencontrés
au lycée français de Varna.
A toi slave Dimitri au regard bleu,
A toi Assene, figure de sage de l'autre rive de la mer Noire,
A toi Kostadinca, dont les yeux en amande
Reflétaient si joliment les steppes d'Asie centrale
et des siècles de métissage.
Rostro n'avait pas encore planté son violoncelle
Dans les ruines palpitantes du mur infâme.
Jivkov tenait de main de fer la terre de la vallée
des roses.
Votre gaité, votre impertinence, votre insolence
me surprenaient,
De même votre amour, votre connaissance de la littérature
française.
Vous pouviez,
Je ne sais par quels cheminements de l'information,
Facebook ne vous reliait pas encore,
Assiéger des heures durant une librairie soupçonnée
d'un arrivage de livres français.
Je vous parle d'un temps où la culture française
Sentait encore le soufre des Lumières et de la Révolution.
De jasmin, de feu et de sang, le vent souffle du sud.
Des femmes aux longs cheveux d'ébène,
A Djerba, Alger, Téhéran,
Quittent leurs persiennes et bravent la servitude.
Au matin d'un jour nouveau de liberté,
Un homme pleure,
Dans la rue encore bruissante des « dégage!
» de la veille.
Pour la première fois depuis vingt ans,
Il a pu acheter et lire « Le Canard enchainé
».
Je vous avais laissé, compagnons des Balkans,
C'est dire si je vous aimais,
Une édition aujourd'hui introuvable
Des « Vies parallèles de Boris Vian ».
Kostadinca, Assene, Dimitri, Leïla, Mohamed,
Votre jeunesse sait le prix de la liberté de l'Occident
au Levant.
Montrez-nous la voie de l'intelligence.
Que ces deux foyers de l'histoire du monde se rencontrent
enfin.
Que les apprentis-sorciers cessent de les opposer,
D'attiser les extrêmes pour quelques voix de plus
ou de moins dans une urne,
Aveugles à ce que porte d'espérance cette
longue, difficile, enthousiasmante marche
Vers
la liberté
Daniel
Flamant
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Lundi
14 novembre 2011
Lettres
d'une jeune Persane (3)
Vénéré père,
Je te dois quelques explications, car je sais combien tu
t'inquiètes dès que tu imagines ton agate
préférée dans une situation à
risques.
Rassure-toi, ici rien ne bouge. Seule la pathologie sociale
continue de sévir, conséquence directe de
la pression de la «com» dont souffrent les sujets
de ce royaume, mais qui n'est en rien transmissible aux
étrangers, simples passants dénués
de sens critique.
Si, - malheureux hasard! - cette courtoise immunité
venait à leur manquer, Capitaine Flamme ou son fidèle
lieutenant, qui répond au doux pseudonyme de «social-traître»,
les reconduiraient sous bonne escorte dans leurs pénates,
c'est à dire derrière leur frontière.
La prunelle de tes yeux, pour ne pas se faire remarquer,
laisse flotter au vent sa longue chevelure d'ébène.
Elle observe, ainsi que tu l'en a priée. Elle n'encourt
donc aucune mésaventure susceptible de déclencher
un incident diplomatique.
Tu dois bien te douter, vénéré père,
que les sujets d'Agitato 1er ne sont pas dépourvus
des facultés d'adaptation que l'Histoire leur a léguées.
Un remède, illusoire sans doute, connait ici le succès
d'un nouvel opium du peuple, la religion ayant perdu ce
pouvoir narcotique du fait de ses réticences à
confesser tous les effets de sa maladie infantile dans la
contamination d'innombrables pensionnats.
Ce remède miracle a nom «cure sarkostique».
Je me suis fait expliquer ce terme «sarkostique».
Il s'agit d'un mot valise composé à partir
de «sarcasme» et de «caustique»,
le «k» n'étant là que pour faire
magyare et coller ainsi à la mode actuellement en
cour à la cour française.
Soumis depuis des années à un harcèlement
mental et gestuel façon «Parkinson»,
le corps social, après un long moment de déprime,
se laisse désormais bercer par la petite musique
dérisoire de l'ère de la bêtise, sarcasmes
de potaches aussi stériles que réjouissants.
Oui, je sens ici un immense besoin de ricaner, de se tenir
les côtes en se rasant chaque matin ce qui
peut cependant s'avérer dangereux - de penser que
des milliers de concitoyens en font autant près de
leur radio, instrument indispensable à une bonne
«cure sarkostique».
Cible préférée des ricanements, le
monarque s'en est ému, et les deux bonimenteurs vedettes,
dont l'audience dans le peuple frôlait l'addiction,
ont fait les frais de l'ire royale. L'un, parce qu'il a
eu l'idée saugrenue de s'en prendre à la vie
privée du plus grand économiste de la planète
et à son penchant prononcé pour la gente féminine
et les soirées fines. Pure fiction, que des évènements
récents auxquels je n'ai pas eu accès, car
classés top secret, ont remisé au rayon verveine,
tilleul et camomille. Quant à l'autre histrion, il
a eu l'outrecuidance de salir la franche amitié existant
entre le calife et celui qui aimerait tant prendre sa place,
amitié, il faut le souligner, tout de même
sous le signe du croc de boucher.
Tu te souviens de celui qui avait défendu les odieuses
caricatures de notre prophète ? Eh bien , promu directeur
de conscience, c'est lui qui a été chargé
par le calife de faire hara-kiri aux deux satrapes et de
remettre les ondes sous influence plus politiquement correcte.
Ces explications t'auront rendu, je l'espère, la
sérénité propice à ta réflexion
de Sage. Demain, vénéré père,
j'essaierai de te distraire avec une invention qui ici fait
grand bruit. Il s'agit, je crois, d'un bouclier de type
inédit, mais je dois d'abord m'informer plus précisément
, avant de t'entretenir de cette curiosité qui divise
tant l'opinion et met sous les projecteurs un irréductible
petit village privilégié du neuf deux proche
de la capitale. Agitato 1er y possède une résidence
secondaire. Et la vieille dame très digne, celle
qui ne sait plus où elle en est dans la distribution
de ses petites enveloppes, oui, celle dont je t'ai parlé
dans ma dernière lettre, eh bien, elle habite là.
Le monde est si petit pour les puissants !
Toutes
mes excuses, vénéré père, mais
un événement proprement étonnant vient
de se produire de l'autre côté de l'Atlantique.
Je cours acheter «Le Grand Soir» et je te câble
très vite le papier de son chroniqueur toujours si
bien informé.
Lettre
d'une jeune Persane (3)
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Lundi
10 octobre 2011
Coup
de blues au SOFITEL
Une histoire qui en réjouira plus d'un et en inquiétera
plus d'une.
A chacun sa version de l'affaire SMB*. Les «Chroniques
du Grand Soir» sont maintenant en mesure de livrer
un reportage incontestable sur les dessous des récents
évènements qui se sont déroulés
dans une désormais fameuse suite new-yorkaise.
Notre envoyé spécial itinérant était
en effet caché dans le placard. Certes, la méthode
peut sembler contestable, d'autant que le syndrome du placard,
déjà fort développé, hélas,
dans les arcanes du pouvoir, risque de connaître à
n'en pas douter, un pic de croissance. Voici néanmoins
le papier qu'il vient de nous transmettre:
D'abord, brièvement les faits tels que j'ai pu les
vivre. Les commentaires devraient, hélas, aller bon
train dans les heures qui viennent. Alors, par souci de
déontologie journalistique, je m'en tiendrai aux
faits, si vous le voulez bien.
Attaché depuis plusieurs mois aux basques du Kid,
celui que l'on présente comme le digne successeur
de notre cher petit Ubu, Agitato 1er, je me trouvais la
nuit dernière à l'hôtel SOFITEL de New
York.
Je n'y étais pas très à l'aise, puisque
coincé dans le placard inconfortable d'une de ses
suites. Je préfère cependant de beaucoup cette
technique, certes moyenâgeuse, à la technologie
moderne d'écoutes qui ne veulent pas dire leur nom.
D'autant que là, je pouvais même profiter du
petit trou de la serrure, sorte de caméra ouverte
sur le monde, ses vices et ses vicissitudes...
Comme à son habitude, Le Kid appelle le bar pour
commander une coupe de champagne. Sans savoir qui la lui
apporterait je dois à la vérité
d'insister sur ce point il s'enferme dans la salle
de bains afin de s'y préparer pour la sieste, pensé-je.
Tout va ensuite très vite.
On frappe à la porte. Le Kid se précipite
pour ouvrir dans sa virginale transparence. La jeune femme
de chambre avec son chariot se trouve devant ce spectacle
d'un homme dégoulinant ne pouvant assurément
pas faire mentir Darwin.
Dans sa précipitation, a-t-il oublié de passer
le peignoir SOFITEL mis à sa disposition? Toujours
est-il que la jeune femme hurle. Pris, semble-t-il, de panique,
Le Kid l'entraine dans la chambre dont il ferme la porte
avec un tour de clef. Les cris redoublent de volume. Pour
plus de sécurité et sans doute pour enfiler
son peignoir dont l'absence a déclenché ce
charivari, un court combat s'engage à l'entrée
de la salle de bains où il tente de la faire entrer.
Par le petit trou de la serrure - et là je demande
à mes lecteurs de bien vouloir pardonner mon imprécision,
je me trouve effectivement assez loin de la scène
je vois comme un jaillissement de couleur blanchâtre
retomber sur le mur près de la salle de bain et sur
la moquette de la chambre. Plusieurs hypothèses me
viennent à l'esprit, mais dans l'incertitude, je
préfère les garder pour moi. Bon, si vous
insistez... Pendant la lutte, Le Kid a-t-il marché
malencontreusement sur le distributeur de savon liquide
ou bien, plus romantique, a-t-il connu une de ces réactions
chimico-érotico libidinales dues au frottement intense
de deux corps en mouvement ?
Je pressens que mon poste d'observation, dans le placard,
offre de moins en moins de sécurité. Je file
à l'Anglaise. L'Américaine en profite elle
aussi pour s'esquiver. Je la vois, échevelée,
livide, parcourir à grandes enjambées le long
couloir froid.
Vous me permettrez une réflexion personnelle: à
quoi pense un homme promis aux plus belles destinées,
dans un moment comme celui-là ? Tout doit défiler
très vite. Acte manqué, complot politicien,
démon de midi?
Permettez-moi encore un commentaire personnel, un peu cynique
sans doute, mais bon... Une star politique de premier plan
peut-elle tirer une conséquence positive d'un tel
événement qui, en quelques instants, va faire
les délices de l'ogre médiatique ? Peut-être.
Le Kid, son point faible, c'est le doute qui pèse
sur l'existence de sa fibre sociale. Il en a. De la fibre
sociale. Car, mesdames et messieurs, le numéro du
peignoir, l'a-t-il joué à la directrice du
SOFITEL, ou même à une chef de rang? Non, mesdames
et messieurs, à une simple femme de chambre. N'est-ce
pas une preuve suffisante de son intérêt pour
le sexe faible?
Et puis, relativisons. Il y a près d'un siècle,
on retrouve un matin, errant en pyjama le long d'une voie
de chemin de fer secondaire, le président de la République
Paul Deschanel, l'il un peu vague. Alors, un président
pressenti, sans peignoir, qui joue au chat et à la
souris dans sa suite du SOFITEL de New York, avec une jeune
femme de chambre, on a peut-être évité
le pire, non?
Le pire reste possible, je suis d'accord.
Je retrouve Le Kid au bar un peu plus tard. Ça sent
le blues et le whisky tiède. Il s'épanche,
je l'écoute.
- Que n'ai-je rencontré Pépé le Bromure,
plutôt que Dédé la Saumure?
Que n'ai-je écouté sur Anne la Jouvencelle
quand elle m'avisa des tentations du Sofitel?
Comme quoi l'économie mène aussi à
la poésie : il s'est mis à rimer ses propos,
s'en rend-il seulement compte?
Qu'y puis-je si l'on en veut à mon vit jusqu'au moindre
recoin de mon bureau du Femimi , ajoute-t-il en versant
une larme?
Aux grands chagrins les grands remèdes. Je lui fais
cette suggestion alléchante:
Et si vous demandiez à votre ami LBH * * de vous
écrire un bestseller? Il met une équipe la-dessus
à Marrakech, et le tour est joué.
Ah, ça m'embête, il est déjà
tellement occupé à courir aux quatre coins
du monde, à éteindre les incendies ou à
les allumer, c'est selon... Il n'a même plus le temps
de penser à la philo, alors s'intéresser à
ma libido...
Quand même, un ami... Il peut faire ça pour
vous, non?
Et vous avez un titre?
Oui, c'est vous qui m'y avez fait penser tout à l'heure
:
«Mon ami SMB : son vit, son uvre»
*
Vous trouverez facilement la signification de ce sigle;
un indice:
M = ma
** Sigle désordonné à remettre en bon
ordre
Coup
de blues au Sofitel
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Lundi
19 décembre 2011
Lettre d'une jeune Persane (4)
Vénéré père,
Notre dictature a tout à apprendre de la démocratie
française revue et corrigée par son souverain,
toujours à l'avant-garde de la réforme. A
propos de «souverain», je me dois de t'informer
que la cote de ce titre tombe en désuétude,
il n'y a plus guère ici de «souveraines»
que les dettes.
Je ne sais si mon voyage d'étude va pouvoir se poursuivre.
En effet, une éminence à la grise figure,
nouveau chef de la police quand même, refuse désormais
aux jeunes étrangers le droit de venir étudier
en France. Tout ça pour satisfaire la «Marine»,
pourtant simple détail dans l'Histoire.
Cette décision serait fâcheuse, car comme tu
le sais, nos amis Français seront bientôt appelés
à choisir leur nouveau monarque parmi plusieurs impétrants,
dont l'inévitable Agitato 1er, qui s'agite beaucoup
pour le rester. Il a bien pris quelques cours avec son camarade
le Tsar Routine routine du pouvoir, disent les mauvaises
langues qui en connaît un rayon sur la démocratie
non participative. Cela suffira-t-il, cependant ? A la cour,
on en doute et certains décident même d'abandonner
le navire pour jouer leur carte personnelle. Chacun y va
de sa sensibilité particulière, c'est la foire
aux adjectifs : plus populaire tu meurs, plus social y'a
pas, plus centriste c'est pas possible, plus chrétien
va t'faire niquer, etc. Bref, il y aura bientôt autant
de sensibilités différentes que de courtisans.
Il y a aussi ceux qui se présentent, puis renoncent
et retournent à leurs chères bouteilles. A
l'inverse, ceux qui ne se sentaient pas prêts, finalement
y vont; c'est le cas du grand blond lyrique avec une chaussure
noire, tu sais celui qui a failli finir sur un croc de boucher.
Il y en a quelques autres encore, mais le plus attendrissant
c'est l'ex-chef des armées royales. Ses nerfs ont
été mis à rude épreuve parce
que, Agitato quand il est horripilé, c'est à
dire tout le temps, il paraît qu'il devient méchant,
et il lui aurait dit à plusieurs reprises, si bien
que cela a dû s'imprimer dans son esprit restreint
: «Ah toi, quand les cons voleront, tu seras chef
d'escadrille !». Du coup, il y croit.
Tu vois comme cette échéance se présente
déjà sous les meilleurs auspices. A mesure
qu'elle se rapproche, je sens croître mon excitation
! Rassure-toi, je n'oublie pas ma mission d'observation.
Je sais tout l'intérêt que tu attaches aux
enseignements que nous pourrions tirer de ce qui se passe
ici, soucieux comme tu l'es de rendre notre dictature toujours
plus performante. Voici un exemple que, personnellement,
je trouve étonnant.
Rends-toi compte, les serviteurs du Prince, en fonction
depuis bientôt dix ans, se succèdent sur les
ondes ou le petit écran pour dire que oui, tout va
mal, et même ils analysent benoîtement les causes
et les conséquences du désastre. C'est fort,
non ? A aucun moment, tu ne vas pas me croire, les folliculaires
ne leur demandent s'ils se trouvaient ou non dans cette
galère. Évidemment, comme nul ne leur pose
la question, il ne vient à l'idée d'aucun
d'égratigner, même un tout petit peu, la façon
dont il a géré son maroquin. Une véritable
stratégie de l'amnésie. Un numéro de
prestidigitation stupéfiant, que Shakespeare aurait
pu intituler «être où ne pas être».
Il faut dire qu'une actrice, omniprésente, mais en
voix off, leur souffle leur texte, à tous ces suppôts
d'Alzheimer. Elle porte le joli nom de «crise».
C'est bien pratique pour tout le monde, on ne parle que
de ça ici. Tu n'imagines pas le nombre d'experts
que compte ce pays. L'expertise, seul secteur en plein boum!
J'ai même appris vraiment j'ai peine à
le croire - que dans les pays les plus touchés par
cette fameuse crise, ceux-là même qui en ont
été les artisans les banquiers - et
qui, donc, auraient dû se faire tout petits, eh bien
non seulement ils ne sont pas poursuivis pour abus de confiance
et incompétence, mais on va les chercher pour diriger
qui la banque centrale, qui tel gouvernement, qui encore
tel ministère des finances!
Comment tirer partie d'une pratique aussi audacieuse? Moi,
je ne vois pas, mais je ne doute pas que toi tu aies une
idée.
Je crois avoir enfin compris la différence entre
notre dictature et leur démocratie. L'éminence
à la grise figure, encore elle, vient d'envoyer ses
policiers pour prendre la place des grévistes dans
les aéroports : heureusement qu'elle ne les a pas
envoyé remplacer des hôtesses de l'air, je
ne sais pas comment ils auraient fait pour enfiler leur
petit tailleur Chanel!
Bon, chez nous pas de droit de grève, donc l'abandon
de poste de travail conduit automatiquement en prison. Ici,
on sent bien qu'Agitato ne pense qu'à supprimer le
droit de grève, les juges, les intellectuels, la
Princesse de Clèves, etc. Mais il ne le fait pas;
et pourquoi ne le fait-il pas? Eh bien, vénéré
père, je vais vous le dire.
Il ne le fait pas, car la première dame de France,
son épouse donc, ne le veut pas. Contrairement à
lui, elle a lu Aristophane et quand elle se sentira lasse
de ses papouilles, elle veut pouvoir, telle la belle Lysistrata,
déclencher la grève du sexe.
J'arrive à la fin de ma lettre et je m'aperçois
que je ne t'ai pas encore donné de nouvelles du principal
challenger d'Agitato.
Comment dire ? Gros nounours a fondu, mais dans un déménagement
de l'envergure de celui qui s'annonce, on l'imagine mal
à la manuvre. On le voit plutôt couper
du saucisson au moment de la pause. Et depuis quelque temps,
on ne le voit pas du tout d'ailleurs, on ne l'entend pas
non plus.
Est-il en cure chez les trappistes, de façon à
bien montrer sa différence avec son éventuel
prédécesseur, accoutumé lui aux yachts
de milliardaires?
Est-il en stage d'oxygénation, afin de préparer
sa sortie du nucléaire ?
A-t-il décidé de passer le Cap Horn en solitaire
et sur un pédalo pour démontrer sa capacité
à affronter la tempête, même en piètre
équipage?
Ainsi que l'exprime clairement le proverbe tibétain,
«Autant de questions sans réponses, autant
de supputations». Donc, vénéré
père, supputons, supputons... Sans oublier un autre
proverbe, de Corée du nord celui-là, «Supputez,
supputez, il en restera toujours quelque chose». Espérons-le.
Je compte sur la poursuite de la grève dans les aéroports,
elle m'évite, pour le moment du moins, d'être
reconduite à la frontière. La démocratie
offre de tels feuilletons, que je n'ai pas envie de retrouver
trop vite nos séries ploum-ploum sur «Maigret
voit rose à Hispahan». Enregistre-les moi quand
même, car faute de grive, ne mange-t-on pas du merle,
comme on dit ici?
C'est
déjà fini ?
Pour ce soir, oui, mais je ne doute pas que dans les jours
et même les heures qui viennent, cette jeune Persane
soit de nouveau en possession de grain à moudre pour
pimenter ses échanges épistolaires.
Moi aussi je troquerais bien mon stylo contre des pistolets...
Lettre
d'une jeune Persane (4)
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